Le scandale de l’indemnisation des victimes de l’hépatite C

En France, 600.000 personnes sont porteuses de l’hépatite C, 300.000 l’ignorent. A partir du 1er juin, les victimes, contaminées par transfusion sanguine, vont bénéficier d’une procédure d’indemnisation plus rapide.

France-Soir révèle le montant qui leur sera alloué, 47.000 euros en moyenne. Insuffisant, jugent les représentants des contaminés. C’est le volet méconnu du scandale du sang contaminé. En France, 600.000 personnes sont porteuses de l’hépatite C, 300.000 l’ignorent. La plupart par transfusion sanguine. L’Etat pensait résoudre le problème en facilitant, à partir du 1er juin, l’indemnisation des victimes. Mais France-Soir révèle le montant moyen de ces indemnités, 47.000 euros. Une facture clairement jugée insuffisante, selon les avocats et associations représentants les victimes.

Une procédure accélérée

En passant de l’établissement français du sang (EFS) à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), le traitement de l’indemnisation des victimes de l’hépatite C contaminées lors d’une transfusion sanguine va être accéléré. En privilégiant le règlement à l’amiable plutôt que le contentieux judiciaire, la durée d’instruction des dossiers va passer de sept ans, en moyenne, à six mois au maximum. Cette procédure sera ouverte à partir du 1er juin pour toutes les victimes quelle que soit la date de leur contamination. Aucun frais de procédure n’est demandé et les frais d’expertise sont à la charge de l’Oniam. Au cabinet de la ministre de la Santé, on soutient que « c’est le raccourcissement de la durée de traitement qui a pesé dans la balance pour transférer les compétences ».
Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes. Seulement, dans un document interne de l’Oniam en date du 8 avril, que s’est procuré France-Soir, l’office écrit noir sur blanc le montant moyen prévu par victime indemnisée : 47.000 euros. C’est là que le bât blesse.

« Des clopinettes en un temps record »

Contactés, les principaux avocats des victimes de l’hépatite C font des bonds. « C’est indécent, s’insurge Me Florence Boyet. La jurisprudence du Conseil d’Etat est claire : pour un patient contaminé mais qui n’a jamais développé la maladie, qui doit juste se soumettre à des analyses régulières, on lui alloue au titre du préjudice de contamination 150.000 euros… Alors pour des personnes qui ont développé des pathologies graves, je veux bien qu’on fasse des moyennes mais 47.000 euros, c’est inadmissible ! L’Oniam accorde 300.000 euros aux victimes du sida, il est donc capable de faire mieux. Le règlement amiable est une bonne chose mais si c’est pour niveler par le bas et accorder des clopinettes en un temps record… » Me Bénédicte Papin est sur la même longueur d’onde : « C’est bien 47.000 euros pour une hépatite minime, là d’accord. Mais, pour une vie complètement fichue en l’air, ce n’est pas suffisant. Je suis blême. »

Patrick Favrel, secrétaire fédéral de l’association SOS Hépatites, surenchérit : « Il y a de quoi s’inquiéter. Pour ceux qui sont toujours malades, qui ont perdu le travail, leur conjoint, leur maison, cette somme n’est vraiment pas la panacée. Il est curieux de proposer si peu. L’hépatite C n’étant pas mortelle comme peut l’être le sida, elle a toujours été mal prise en compte. »
Contacté, Dominique Martin, le président de l’Oniam, cherche à calmer les esprits : « Ce montant de 47.000 euros est calculé sur les montants moyens versés aux victimes lors des dossiers traités au contentieux. C’est une moyenne ! Si certaines victimes doivent toucher 150.000 euros, elles toucheront 150.000 euros, il n’y a pas à s’inquiéter. Nous avons calculé ce montant pour établir notre budget prévisionnel. Il n’a rien de définitif. »
La mise en garde de la Cour des comptes
L’Etat a-t-il voulu faire diminuer une facture qui promettait d’être salée ? Dans son rapport annuel 2010, rendu début février, la Cour des comptes s’inquiétait du « coût à moyen terme potentiellement élevé ». « Du fait de la réduction du délai de traitement des dossiers et d’une hausse probable du nombre de demandes, une forte augmentation du montant des indemnisations est à craindre pendant plusieurs années, avec, selon les simulations, un pic à 40 millions d’euros par an entre 2011 et 2013, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui. Au regard de telles projections, le financement des indemnisations n’est pas actuellement assuré », écrit la Cour des comptes.
Dans une belle unanimité, les différents acteurs institutionnels assurent que le financement ne posera pas problème. « Aucune incertitude, le financement est assuré aujourd’hui et il le sera demain, quelle que soit la tuyauterie », affirme l’EFS. « Que les malades se rassurent toutes les personnes qui devront être indemnisées le seront. La décision a été prise au niveau de l’Etat, il ne faut donc pas s’inquiéter », complète Dominique Martin.

(*) Renseignements à l’Oniam, au n° Azur : 0.810.600.160 ou par e-mail sur hepatite-c@oniam.fr, ou au numéro vert du pôle santé du médiateur de la République au 0810.455.455.
Par Romain Katchadourian et Matthieu Suc

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