Les victimes de l’hépatite C, contaminés par transfusion sanguine, dénoncent comme « une arnaque » la procédure censée les indemniser. Cette même procédure est prévue pour les victimes du Mediator…

Certains cèdent au découragement. Comme « Lily3378 » qui lance sur le forum internet Doctissimo : « Bonne continuation dans vos démarches, pour moi… j’arrête ! » D’autres victimes de l’hépatite C ont décidé de poursuivre le combat. A travers un collectif, ils envoient aujourd’hui une lettre ouverte (*) au président de la République réclamant son intervention.

C’est le volet méconnu du scandale du sang contaminé. En France, 600.000 personnes sont porteuses de l’hépatite C, la plupart par transfusion sanguine. L’an dernier, la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, avait vendu une formule miracle pour indemniser les malades. En privilégiant le règlement à l’amiable plutôt que le contentieux judiciaire, la durée d’instruction des dossiers devait passer de sept ans, en moyenne, à six mois au maximum. L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) allait gérer cela avec professionnalisme et humanité.

« Une machine administrative qui broie »

Et la procédure supposée rapide se révèle beaucoup plus lente que prévu. « C’est vraiment de la poudre aux yeux, résume Me Florence Boyer, qui défend nombre de contaminés. L’Oniam réclame au compte-gouttes de nouveaux documents parfaitement inutiles. Cette méthode n’est pas neutre, car tant que le dossier n’est pas bouclé les victimes ne peuvent pas saisir la justice. Elles perdent un an de plus pour avoir accès aux juges. On se moque des victimes. » Même son de cloche chez l’avocat Thomas de Lataillade : « On nous balade. C’est une machine administrative qui nous broie. » « L’Oniam attend un an pour réclamer des pièces qu’il avait déjà, s’étonne Me Bénédicte Papin. C’est du temps de perdu pour des victimes qui ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je me pose la question : attend-on le décès de ces personnes ? »

Les juges accordaient 10 fois plus

Surtout le montant des indemnisations est bien en dessous des espérances. En avril 2010, France-Soir révélait un document interne à l’Oniam qui prévoyait 47.000 € en moyenne, montant déjà estimé insuffisant par les victimes. On en est aujourd’hui bien loin. Ainsi, cette femme qui se voit accorder 15.000 € alors qu’elle souffre d’une hépatite C toujours active. C’est peu comparé aux 230.000 € octroyés par la Cour de cassation à un patient qui était à un stade peu évolué de la maladie. Le conseil d’Etat avait, lui, alloué à un patient contaminé mais sans avoir jamais développé la maladie 150.000 €…

Et puis il y a des différences de traitement entre les dossiers, comme ces trois frères souffrant des mêmes symptômes et se voyant proposer le premier 18.000 €, le second 7.300, le troisième 1.800…
Quand d’autres ne se voient pas refuser toute indemnisation. « J’ai un peu de mal à comprendre certaines expertises, avoue Me Boyer. Pour motiver un refus, l’Oniam sort de son chapeau une prescription de quatre ans qui n’a jamais été prévue par la loi… »

Les victimes de l’hépatite C ont toujours été les laissés pour compte du scandale du sang contaminé.
« Chez les transfusés, 15.000 personnes environ avaient attrapé le sida, ils étaient 200.000 pour l’hépatite C, estime une source proche du dossier. Les autorités nous avaient répondu : “On ne peut pas les indemniser, ils sont beaucoup trop nombreux !” »

« Des facteurs d’incompréhension »

Contacté hier, Erik Rance, le directeur de l’Oniam en poste depuis octobre dernier, assure qu’« il n’y a pas de problème mais des facteurs d’incompréhension ». « C’est une procédure qui vient de se mettre en place, c’est prématuré d’en tirer des conclusions. Le délai des six mois court à partir du moment où le dossier est complet. Or c’est compliqué car les cas remontent à longtemps, ça nous demande des recherches. La procédure de l’Oniam a débuté en juin 2010, nous sommes en novembre 2011, nous ne sommes pas tout à fait en dehors des clous. Cela prend tout de même beaucoup moins de temps que lorsqu’on passe devant les tribunaux. » Concernant les différences entre les dossiers, l’Oniam fait valoir « une vision individualisée de chaque dossier », le tout encadré par un référentiel « validé par des associations ». Pourtant un membre d’une de ces associations nous a avoué : « Les sommes sont dérisoires et on insiste pour que les victimes gardent le secret sur les offres qu’elles ont obtenues… »

A propos de la prescription, le directeur fait valoir une loi sur les établissements publics et remontant à 1968 alors qu’elle ne figurait pas dans la loi consacrée aux victimes de l’hépatite et remontant, elle, à décembre 2008… Enfin, sur les 1.500 demandes envoyées, depuis juin 2010, à l’Oniam, celle-ci n’a fait que 200 offres définitives, « 1.300 dossiers restent en stock », reconnaît l’établissement. L’Oniam a refusé de nous communiquer un montant moyen, ni même une fourchette de tarifs mais assure « avoir fait des offres à plus d’une centaine de milliers d’euros ». Sans dire combien de fois.

La lettre ouverte est consultable sur Francesoir.fr

Par Matthieu Suc

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